Le Franc CFA initialement, Franc des Colonies Françaises d’Afrique et le Franc comorien sont les deux monnaies coloniales encore utilisées au monde. En Afrique, le Franc CFA est utilisé dans 14 pays d’Afrique subsaharienne regroupés en dans deux grandes régions économiques ; l’Union Economique et Monétaire Ouest-africaine (UEMOA) et la Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC). A ces 14 pays, s’ajoute les Comores où est utilisé le franc comorien.
Après plus de cinq décennies d’indépendance, comment peut-on expliquer ce qui se présente aujourd’hui comme le dernier avatar de la colonisation française en Afrique ?
Pour comprendre la nouvelle génération d’Africains et d’amis de l’Afrique qui s’insurgent contre l’utilisation du Franc CFA au 21ème siècle, il faut remonter aux origines de la monnaie et comprendre son fonctionnement.
Créé en 1945 par l’ancien président français, le Général De Gaule, le Franc des Colonies Française d’Afrique est émis depuis Chamalières, une petite commune française de 18 000 habitants. Pour garantir la convertibilité du Franc CFA, les pays africains sont obligés de verser 50% de leurs réserves de change auprès du Trésor français. Cette pratique censée maitriser l’inflation a des effets pervers qui freinent le développement de l’Afrique.
En 2005 les réserves des 14 pays de la zone franc déposées au trésor français faisaient 3 600 milliards de francs CFA (environ 72 milliards d’euros). Cette manne dont les propriétaires ne font pas usage est pourtant indispensable pour leur développement économique. La quasi-totalité des pays de la zone Franc sont pauvres et très endettés. Peu industrialisés, ils bradent la totalité de leurs matières premières à des prix fixés par l’acheteur venu de l’occident. L’exemple le plus palpable est le cas de la Côte d’Ivoire. Premier producteur mondial du cacao, le pays ne transforme pas sur place ses fèves. En 2015, Cémoi, une société française a posé ses valises à Abidjan et se présente comme la seule unité de transformation du cacao ivoirien.
Les milliards d’euros volontairement laissés au trésor français pourraient aider ces pays à répondre aux problèmes sociaux auxquels ils font face. Au Togo, plus de 51% de la population vit dans la pauvreté. Le pays manque de liquidité pour investir et créer des emplois. Chaque deux minutes, le paludisme tue un enfant en Afrique.
L’arrimage fixe du Franc CFA à l’Euro empêche les pays africains d’être compétitifs au niveau des prix à l’exportation. Une monnaie forte agissant comme une taxe à l’importation et une subvention à l’importation, les Etats qui utilisent le Franc des Colonies Françaises d’Afrique sont condamnés à avoir un balance commercial déficitaire.
Pire, les banques centrales de l’UEOMA et de la CEMAC (la BCEAO et la BEAC) sont incapables de définir des politiques économiques adaptées à leurs pays membres pour amorcer leur développement. Le Franc CFA étant arrimé à l’Euro, son sort se décide en Europe et non en Afrique. Les priorités des états industrialisés n’étant pas les mêmes avec celles des pays pauvres qui luttent pour leur émergence, il est évident que le développement des pays membres de la zone franc ne soit pas pour demain.
Ce système de rente instauré par la France en Afrique est contre toute attente défendue avec une fermeté opiniâtre par certains chefs d’Etat africains. Le président Sénégalais Macky Sall en visite en France en décembre 2016, avait encensé le Franc CFA. « Le franc Cfa est stable et ce, quoi que l’on puisse dire. Elle l’est tout autant que notre institution, vue que nous n’avons pas trouvé d’éclaircis par rapport à ce qui pourrait être mieux que le franc Cfa, mieux vaut terrer tous désirs de lutte anticoloniale et toutes aspirations politiciennes », a-t-il lancé.
Et pourtant au-delà de la dépendance économique qu’il crée, le Franc CFA est un outil de domination politique que détient la France sur ses anciennes colonies. En 2011, durant la crise postélectorale qui opposait l’ancien président Laurent Gbagbo à Alassane Ouattara, la population a été mise au pas avec une crise bancaire qui a bloqué la circulation des billets de banque. Cette situation aurait pu être évitée si la Côte d’Ivoire était patron de sa monnaie.
Heureusement, sur le continent des voix se lèvent contre le Franc CFA. En dehors du président tchadien Idriss Deby qui a clairement reconnu que la monnaie coloniale freine le développement économique de l’Afrique, plusieurs imminents économistes et leaders d’opinion dénoncent cette pratique d’une autre époque savamment entretenue par la France et une catégorie d’Africains insouciants des problèmes du continent.
« Les banques centrales sont au courant de tout cela mais les banques centrales elles-mêmes participent au système de rente que nous dénonçons. Quand vous voyez les traitements des gouverneurs des banques centrales, les traitements des agents des banques centrales, leurs systèmes de retraites et quand vous comparez au niveau de vie des populations, vous voyez que c’est juste une hérésie », dénonce l’ancien ministre togolais et économiste, le Prof Kako Nubukpo.